Pour ne pas être balayé, il faut connaître les points faibles de ses ennemis, leurs contradictions et ceux qui n'ont pas le bon goût de nous apprécier.
Quand Senbi entra dans sa maison, il constata que rien ne semblait avoir changé mais on sait que les apparences sont parfois fallacieuses. Un bon observateur comme lui détecta immédiatement des ruptures de niveaux, des perturbations dans le taux vibratoire, des crépitements sonores trahissant l'intrusion d'un élément hostile.
Rien ne disparaît jamais complètement, même les morts qui existent tant que quelqu'un prononce leur nom.
Senbi, héritier d'une longue lignée de chamans, exerçait ses talents dans bien des domaines.
Il fournissait des indications de navigation aux oiseaux migrateurs quand ils volent au-dessus de l'Egypte.
Il prévoyait les désarrois du visible et les défaillances des étoiles doubles.
Si une porte ne s'ouvrait plus, il conseillait de ne pas insister. Ce qui attendait derrière ne pouvait être qu'une mauvaise surprise.
La nuit, il parlait aux montagnes pour éviter qu'elles ne sombrent dans la mélancolie.
Il avait plus de mal avec les hommes qui ne perdent guère de vue leurs intérêts immédiats et croisent les doigts quand tout s'effrite et tombe en poussière.
Le Premier Prophète de Min le consultait quand il voulait connaître l'instant exact où le roi devrait couper la première gerbe, au moment du rituel des moissons.
Un jour, Senbi recommanda au souverain de ne pas se confondre avec son double, de maintenir la bonne distance entre lui et l'univers. Il n'était pas le centre mais la clef de voûte, il contrôlait le rythme non les pulsations. La plus élaborée des Magies ne le rendait pas invulnérable. Il puisait sa force dans sa fragilité. Son royaume s'arrêtait là où les démiurges n'usent plus de leurs charmes.
Les renards ne s'interrogent pas sur la descente de la nuit, la disparition du soleil et la fragmentation de ses derniers rayons. Selon les circonstances, ils savent se protéger de ses ardeurs en recueillant la moindre parcelle des ombres qu'il génère. Un mythe du Delta dit qu'ils ont appris très tôt à ne pas jouer avec le feu tout en lui dérobant tous ses secrets.
Senbi tenait les renards pour des alliés fidèles à condition de ne jamais leur mentir, de ne pas révéler l'emplacement de leur tanière et la manière dont ils appréhendaient l'espace pour se rendre insaisissables.
Le monde des renards disparaîtra bien après celui des hommes car ils se moquent des aléas de l'Histoire, des circonstances défavorables et des pauvres ruses des chasseurs.
Pour ne pas finir sur cette note néfaste, les renards disent que les chasseurs sont des Egyptiens aléatoires, peu préparés à en découdre avec un adversaire qui ne les épargnera pas.
On ne sait pas, à midi, où se cache les renards émaciés. Ils ont appris que le soleil de minuit se réfugie dans les montagnes, les fleuves souterrains et les cavernes où les Mages défunts attendent leur retour.
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