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Non loin de là

Il avait entrepris de mettre de l'ordre dans ses hasards. Pour cela, il devait consulter des sites de rencontres sur internet et étudier les Textes des Pyramides rédigés il y a bien longtemps par des métaphysiciens d'une autre race. Les hasards obéissent à une apparente fragmentation. Les Textes des Pyramides relèvent d'une vision surréaliste, Internet est la porte ouverte à tous les délires, une machine à divaguer dans toutes les directions. Tout va si vite que plus rien n'est vraiment contrôlable. On ne fait pas de philosophie pendant un tsunami.


Il se demandait si, avec un peu de concentration et de silence, il serait possible de revenir en arrière, de remonter jusqu'à la source d'un événement inexplicable comme la disparition prématurée d'un pharaon adolescent.


Il n'avait pas rencontré cet individu dans un lieu tapissé de hiéroglyphes ou dans l'atelier d'un sculpteur mais dans une taverne à bière où il était entré parce qu'il mourait de soif un triste jour de tempête de sable. Les murs de l'estancot tremblaient, commençaient à se fissurer sous les coups de butoir du vent séthien.

L'homme ne répondit pas à ses premières questions puis déclara : Je suis comme toi un magma de possibles, de données plus ou moins fausses, plus ou moins exactes. Rien ne nous oppose et rien ne nous unit; nous nous sommes pourtant rencontrés dans ce lieu improbable où nous a jeté le vent.

Ces paroles qui n'avaient rien d'anodines me figèrent tel Don Juan devant la statue du Commandeur.

Il me demanda si j'avais été foudroyé, si j'avais conduit un rituel, si je savais rédiger un texte en écriture rétrograde, si j'étais capable de me confier à un inconnu. Je balbutiai des réponses brouillonnes, de celles qu'on fait quand on ne sait pas quoi dire ou qu'on a peur d'être démasqué.


Entre deux propos désordonnés je lui avouai que je ne croyais pas en l'existence des dieux démiurges se prétendant capables de créer un monde de toutes pièces.

Il rétorqua que j'étais un bon garçon, peut-être un peu vert mais prometteur.

A ce moment de l'histoire, je ne savais plus si nous étions sous le règne d'Amenhotep III ou de Léopold II.



La première fois où il me proposa de m'immerger dans les eaux croupissantes qui cernent l'île souterraine de l'Osiréion où pullulent de répugnants silures, j'ai refusé.

Revenu là après bien des errances, j'ai accepté sa proposition mais lui avait déjà plongé dans les eaux tièdes du Noun alors que j'aurais volontiers bu avec lui une de ces bières dont les Egyptiens ont le secret.

Je sais seulement qu'il a disparu non loin de là.


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