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LETTRE D'HOUY A IMY

Je t'imagine dans la douceur du palais espérant que le piège ne se referme pas. Tu penses : Je suis un prince de Kemet, je ne serai pas pris dans la nasse. Tu te trompes, le souverain n'est pas à l'abri de l'imprévisible. Bien au contraire, la position qu'il occupe attire la malveillance des Esprits antagonistes.



Tu as raison de passer beaucoup de temps à relire tes rouleaux préférés, surtout ceux qui inversent les données, ne respectent pas les chronologies, ne proposent pas de solutions définitives.

Quand j'étais enfant, je relisais en boucle le Rituel de l'Embaumement que mon père pratiquait tous les deux jours. Je ne cherchais rien de précis, j'étais fasciné par la puissance magique des formules, par le parfum d'herbes sèches qui s'échappait du papyrus tandis que je le déroulais lentement. Senteurs d'un monde si proche et si lointain, d'existences parallèles, de moments de tranquillité au milieu du tumulte.


Ne te départis pas de cet humour mélancolique qui fait ton charme et te permet de prendre les autres à revers. L'humour est une forme de simulation, non de dissimulation, une tournure d'esprit singulière, nerveuse et précise à la fois, très vivante et sujette à de brusques changements d'intensité menant à la stupeur.


Les Shemsou Hor sont là pour te servir mais ils t'abandonneront si tu ne respectes pas leur serment de défendre les exigences de notre Tradition. Il n'est peut-être pas très judicieux de déplacer le Benben, de se focaliser sur une lumière prétendue inédite. L'innovation est parfois proche du sacrilège.


En lisant cette lettre, tu as peut-être l'impression que j'évoque des choses qui ne te concernent pas. Elles ne te concernent pas encore mais sont déjà embusquées derrière les colonnes des temples. Si tu ne veux pas voir de sang, ne déclenche pas de conflits majeurs, surtout dans le domaine du divin, des croyances, de la pratique de rites millénaires. Les changements doivent être des modulations à peine perceptibles, des vagues de fond ne se manifestant pas en surface. L'attaque frontale est la pire des stratégies. On ne violente pas le netjer dans son naos. On ne perturbe pas le silence du temple, on laisse radoter les vieux pontifes qui ne sont pas toujours dans l'erreur.


N'oublie pas de pérégriner en Abydos pour la fête du dieu vert. Je sais que tu ne l'apprécies guère mais c'est lui, Imy, qui te donne le pouvoir de reverdir, de parler la Langue des Arbres et celle des Oiseaux.

Le secret n'est pas dans les miroirs mais dans les tonalités des Langues à arcanes que parlent les charmeurs de serpents et les oiseleurs qui ne tendent pas leurs filets n'importe où.

Ne redoute pas le Vide où tu finiras par basculer.

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