J'aime les monstres. J'en ai parlé à propos des sphinx mais il existe en Egypte bien d'autres admirables formes de monstruosités :
Le Benou-Phénix en auto combustion.
Le serpent Ouroboros se mordant la queue.
L'incroyable beauté de Thotmès III, figé au musée de Louxor dans une éternelle sérénité.
Les ruines pleines de salpêtre de Madou Médamoud où Akhnaton fut couronné.
Les secrets du Grand Œuvre inscrits à Dendera à hauteur des yeux.
Les temples sauvés des eaux en Nubie reconstituant lentement leur ADN sur leurs nouvelles implantations.
Les créatures rebelles et barbares qui, la nuit, circulent dans le labyrinthe du temple de Karnak.
Le nain Bès tirant la langue aux imbéciles bouffis qui confondent l'Egypte et Disneyland.
La perfection du silence dans les dunes de la Grande Mer de Sable où s'écrasa une météorite à l'origine du Verre libyque.
L'inexprimable douceur des aubes et des crépuscules à Narmouthis- Medinet Madi où j'ai dormi dans les vestiges d'une chapelle saturée de parfums fantômes.
Les analogies soudain évidentes entre les fidèles du Bélier Khnoum et les extracteurs de quintessence de Mendès.
Le glissement du verrou de bronze qui va bloquer les deux vantaux de la porte du naos et prévenir le dieu qu'il est désormais tranquille et livré à lui-même.
Je savais qu'un monstre intrigant se dissimulait derrière les colonnes de la salle hypostyle. Il allait être difficile de le faire sortir de son mutisme.
Les monstres entretiennent des relations amoureuses avec le Vide, les limites, les perturbations atmosphériques incongrues, le calme précédant les tempêtes.
Ils nous consolent des horreurs du monde. Encore faut-il accepter qu'ils saccagent nos tranquilles certitudes, nos méprisables refuges dans les lumières artificielles, notre amertume, notre peur panique du Mystère.
Je ne me contenterai pas d'une réalité en hibernation qui fige le sang et les lymphes des monstres.
Le monstre n'existe pas si aucune piste ne mène à lui.
Il sort de sa clandestinité quand des éclats de lumière s'accrochent à ses écailles.
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