Les fonctions sacrées

J'ai conscience d'appartenir à un royaume où le blé est considéré comme de l'or. Certains textes ne sont pas écrits pour être lus. Certains oiseaux chantent la nuit quand tout le monde dort. La fragile lumière d'une lampe à huile est aussi précieuse que celle d'un gigantesque soleil. L'espace de ce territoire est indéfinissable, il y a ce que l'on voit, ce que l'on croit voir et ce qui n'existe pas ailleurs que dans les pensées d'une divinité lointaine. L'arpenteur ne sait plus s'il mesure un champ d'épeautre ou la distance entre deux étoiles de la constellation de la Carène. Dans le temple de Dendera, on se rappelle que le cœur de l'univers n'a pas besoin de nous pour battre au rythme juste. Je ne suis pas tenté par la lecture d'un paysage trop bien circonscrit ne laissant aucune place aux errances. Je suis un félin nomade qui disparaît au moindre bruit. Je ne fais pas confiance à ceux qui emprisonnent dans les temples des Esprits vagabonds. L'entropie sort toujours victorieuse du combat car elle n'est rien d'autre que l'agent des plus incroyables bouleversements. Je n'ai rien d'autre à défendre que l'équilibre incertain qui nous conduit à notre perte. Si j'étais un démiurge; je cesserais d'imaginer les prochaines étapes. Dans le désert tout bouge mais tout paraît immobile. Cette apparente inertie est plus sensible dans les champs cultivés sur les rives du fleuve. Un dieu-enfant dort à l'ombre d'un arbre. Quand il ouvrira les yeux, le royaume aura tellement changé qu'il ne reconnaîtra plus rien. Au fond, qu'importe un monde qui ne sait pas s'inscrire dans la continuité et favorise dans tous les cas la victoire de l'éphémère dans une chambre vide !

- Que ferais-tu, si les dieux quittaient l'Égypte, pour échapper à l'encerclement ?

- Sans hésiter je les suivrais. Je ne peux respirer sans Inpou et Djéhouty, sans Héka et Banebdjedet impossible de maintenir le Feu au bon régime.