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Les Fétiches

Dans ce village de l'extrême sud, on n'avait jamais abandonné les fétiches. Ils étaient vivants, gorgés de magie, animés de tensions équivoques, d'alliances avec la Nature et de pactes avec les forces dont on n'ose pas dire le nom.

Les fétiches régulent le climat, les relations familiales, les travaux agricoles, la fertilité des femmes et des hommes. Mal aspectés, ils peuvent provoquer des catastrophes. Bien tournés, ils nous protègent des dangers inconnus, des horreurs bien sanglantes court-circuitant l'histoire des hommes et des autres éléments de la planète.



Les artistes de pharaon ne sculptent pas de fétiches. On les trouve n'importe où, dans un arbre creux, sous une pierre, dans les strates des carrières, sur les rives du fleuve, au milieu d'un champ d'épeautre. Les prêtres astronomes prétendent qu'ils sont tombés du ciel où qu'ils se déplacent avec les oiseaux migrateurs.


Il n'existe pas de pisteurs de fétiches. Si on les cherche, on ne les trouve pas. Il arrive qu'on les voie sans les reconnaître. Héka, netjer de la Magie, les sème dans les endroits les plus incongrus. Djéhouty modifie leur magnétisme pour leur donner un semblant d'incohérence. Ils ne cherchent pas à nous tromper, ils jouent seulement avec les lois du hasard et des entrecroisements.


Un matin, j'en ai trouvé un devant ma porte. Il ne ressemblait à rien de connu, je l'ai repéré parce qu'il émettait une lumière discrète et insolite. Une lumière qui plane au-dessus des lieux où vient de se produire un miracle, un phénomène lié à une brusque rupture de cycle avant que les choses ne réussissent à se rééquilibrer.

Je l'ai ramassé précautionneusement et placé contre mon ventre pour qu'il s'imprègne de ma température et de mon odeur. J'ai tout de suite remarqué qu'il était bien vivant et disposé à cohabiter avec moi à condition que je le traite comme un prince de sang et que j'écrive pour lui des rituels qui maintiendraient la cohérence des ses 9 Constituants et ses bonnes dispositions.


Contrarier un fétiche peut coûter cher. Un des mes collègues qui en avait découvert un dans sa boîte à outils le jeta négligemment dans son jardin. Les arbres séchèrent sur pied, les chats désertèrent les lieux, ses outils tombèrent en poussière car il n'eut plus jamais de commandes.


Aujourd'hui, les fétiches peuvent se réfugier dans les réacteurs des avions de ligne, dans les poulies d'un ascenseur, dans la tête d'un dirigeant ou encore dans un panneau de signalisation d'autoroute. On peut redouter le pire. C'est dire si nous devons rester prudents, attentifs, respectueux envers les fétiches qui nous prennent en affection, même si nous ne leur avons rien demandé parce que nous ne croyons plus en leur existence et leurs pouvoirs

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