Un courant d'air s'engouffra dans le couloir du temple destiné à la circumambulation. Couloir Mystérieux, disent les Egyptiens aimant s'aventurer dans les zones qui ne sont jamais immobiles. Ils sont curieux de ce qui se trame dans les lumières intermédiaires, de ce qui geste dans l'obscurité des cryptes ou les profondeurs des naos. Rien n'est fixe dans la maison des dieux. Le temple tout entier tourne autour d'un axe planté dans la chair de Kemet, dans le crâne des Mages, dans les cartes d'un ciel dressées par les Astrologues d'Héliopolis.
Les exégètes du dieu ne vantent pas sa beauté ou son intelligence mais son pouvoir d'adaptation. Le dieu d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier ou de demain. Il se compose et se décompose à partir d'éléments toujours inédits. Les thaumaturges savent que rien n'est irréversible. La clepsydre mesure le temps des rites ou encore elle évalue le temps qui nous reste avant de disparaître entre les deux niveaux d'une réalité mouvante comme les bancs de sable dans le fleuve.
Le dieu de Khemenou n'est jamais là où on l'attend. Il nous guette au tournant, dans les bosquets sacrés où les créatures ailées se réfugient pour échapper aux oiseleurs.
Enseignement furtif du Fils de Hapou : Nous ne sommes pas à la fin d'une époque. Vous n'avez encore rien vu. Asseyez vous dans le jardin et regardez les couleurs qui glissent sur les feuilles des arbres. Le jardin n'est pas un refuge mais un lieu de passage qu'il faudra oublier avant que la nuit n'ait dévoré les couleurs, les sons, les odeurs. Il ne se passera rien tant que vous n'aurez pas ouvert les yeux. Rien d'autre que des choses dérisoires n'ayant pas leur place dans un lieu sacré où se succèdent les miracles. Un miracle donne l'illusion d'un changement brusque qui, en fait, se préparait depuis longtemps.
La première fois où je me suis rendu par inadvertance dans certains recoins de Kemet, j'ai compris que je pouvais être adopté par une entité divine qui ne tient pas en place, cultive le vertige et la fugacité. Le temple est la cachette idéale pour celui qui ne veut pas être pris dans les filets de l'oiseleur.
Le nombre de variations divines à envisager justifie la structure labyrinthique du temple. Pour se déployer, les rites ont besoin de toujours plus d'espace dans l'invisible et le visible.
Ne cherchez pas les formes qui vous définissent mais celles qui vous permettent de devenir ce que vous n'êtes pas encore.
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