Je vais vous raconter comment fonctionne le temple et ce qui s'y passe vraiment. Rien à voir avec ce que vous croyez ou avec ce que penseront les mythographes du futur. L'idée est de garder l'esprit ouvert et de ne s'étonner de rien. Plus ce sera surprenant et plus nous serons proches de la réalité et des multiples apparences qu'elle peut prendre.
Dans les temples de Kemet , on est en apesanteur car ils ne sont pas sur la terre mais dans un ciel qui a le visage de Nout ou d'Hathor.
C'est un lieu féminin, une matrice dans laquelle on est en perpétuelle gestation.
C'est une des premières formes de vie apparue dans les eaux sombres et tièdes du Noun.
Ne croyez pas qu'il s'agisse d'une construction humaine. Il a été conçu par une une intelligence extra-terrestre et construit sur la base de données d'une infinie délicatesse.
Pendant qu'on y séjourne, qu'on le traverse, le temps est aboli, particulièrement quand le Netjer se manifeste. Il ne considère pas le temple comme sa maison mais comme un point de contact entre toutes les formes de vie.
Dans la salle hypostyle, les hiérarchies se mettent en place pour repousser ce qui n'est pas synchronisé.
Un rituel s'amorce et se termine à ce moment précis que ne comptabilisent pas les clepsydres mais la perspicacité des officiants.
On peut dormir dans le temple mais il est interdit d'y mourir. Les rêves prennent ici la forme d'un enseignement, d'un avertissement. Ils donnent de précieux indices sur les hasards qui s'enchaînent et permettent de trouver sa voie.
Le sol en argent de la salle hypostyle lui confère une composante lunaire propice aux songes où l'on vole au-dessus des fleuves et des montagnes.
Si une perturbation survient dans le temple, il faut chercher ce qui n'est pas à sa place et progresser en respectant les règles de la marche rituelle.
On n'est nulle part moins en sécurité que dans un temple, un lieu complètement ouvert où se croisent les entités venues de l'espace et celles qui remontent des profondeurs de la terre et de notre psychisme.
Le Couloir Mystérieux autour du sanctuaire est le lieu de toutes les surprises. Des métamorphoses s'y opèrent dans le microcosme et le macrocosme. Pas de formes fixes mais une succession de stupeurs. Les gardiens sont féroces, ne tolèrent aucun manquement au protocole.
Un cartographe ne peut fixer les contours de ce couloir. Seul un Mage peut identifier les repères qui se déplacent en continu.
A la 5e heure de la nuit - 23 heures - des rumeurs répandues par les ennemis du dieu circulent dans le temple, annonçant l'arrivée prochaine des profanateurs barbares dont la présence souille les lieux. Un prêtre peut les repousser avec un sceptre en or ou en lâchant à leurs trousses les Patèques de Memphis.
Sur les toits se posent des oiseaux, les Baou des anciens desservants et des Mystes qui, au terme d'un long processus sont devenus partie intégrante du temple. A l'instant où le jour se verse dans la nuit, ils traversent les dalles et viennent se poser dans la chapelle de l'Androgyne au sol couvert de lapis lazuli.
Dans le temple sont archivés nos moments de bonheur, nos ardeurs, nos doutes et nos chagrins, nos espoirs les plus fous et ces incertitudes donnant la force de marcher sur la tête, de traverser des barrières de flammes, de nager dans le Noun.
Dans un sanctuaire osirien très secret, isolé aux confins du monde, existe une Chambre du Noun où s'engouffrent tous les possibles, les désirs inaccomplis et ceux qui présagent des étapes harassantes. Ce Noun en concentration extrême dans une chapelle rectangulaire nous donne l'opportunité de revenir à la Première Fois. Le temple est une île au-dessus des eaux de l'Océan Primordial. Les Veilleurs le surveillent mais n'empêchent personne de traverser les frontières invisibles.
Il est recommandé de traverser le temple le plus lentement possible en prenant soin de ne pas s'arrêter sur les Seuils où les Phénix entrent en combustion.
Le silence reste la seule alternative envisageable.
Et si le temple n'existait que par la seule volonté de ceux qui, depuis des millénaires, ne l'oublient pas et viennent y célébrer des rites...
Je ne vais pas aller par quatre chemins. Le Temple intérieur tel que tu le présentes doit à tout le moins suggérer la vision métaphysique qu'avaient les anciens égyptiens notamment. Pour les voyageurs en Egypte, une déambulation où le curiosité fait place à la méditation dans le silence intérieur qui met en évidence la valeur des notes ondulatoires de notre harmonie spirituelle en cours d’élaboration; sans cesse en édification, sans cesse en restructuration.
Ce Silence métaphysique est insaisissable. Nous pourrions dire que le Temple est un catalyseur.