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Le second jour de l'expédition


Dans l'enseignement ou plutôt les entretiens qu'il donnait sous les arbres, le Fils de Hapou incitait à tendre vers un niveau toujours plus élevé de perception et d'intelligence.

Pas d'affirmations abruptes mais des remodelages incessants du paysage intérieur. Je me disais que ce maître était nécessaire et irremplaçable. Il prétendait que les nécropoles sont pleines de gens nécessaires.


L'important n'est pas qu'une idée soit novatrice mais qu'elle touche le centre de la cible au moment le plus inattendu entre dissonance, nostalgie et ressouvenance. Il ne s'agit pas de se laisser investir par la dimension spirituelle mais d'aller fouiner dans les recoins où se cachent les dévorateurs les plus féroces qui horripilent Seth, Aha, Bebon et Isefet.



Nous sommes un peuple de paysans s'aventurant dans le réseau des mémoires pérennes d'un royaume de sable et de limon. La pratique souple des rites nous sauve de l'anéantissement. Ritualiser pour survivre un jour ou un millénaire de plus. Même dans les rites, des sinuosités et des ruptures sont essentielles mais jamais l'acceptation des limites.


Le verrou de la porte du naos est le doigt de Seth qui ne se laisse pas facilement hypnotiser. Il glisse et tombe quand la banalité, la médiocrité ne sont plus des réalités immédiates. Ce n'est pas la violence de Seth qui est redoutable mais son art de nous apprendre à nous contenter de nos imperfections, de nos approximations, de notre obstination à ne pas respecter les rythmes.

La réussite est acceptable quand surgit l'inachevé qui relance le dynamisme du temple toujours prêt à s'effondrer. Si j'articule trop rigoureusement ma pensée, je la conduis à coup sûr au suicide.


Un vieux serviteur s'obstine tous les jours à ranger ma maison, à tout remettre à la même place. Il ne tolère pas le moindre déplacement. Il m'a avoué qu'il agissait ainsi pour tenir en laisse ses angoisses ou tout ce qui menaçait de se rompre avant terme.

Est-il opportun de ne laisser aucune chance au hasard ? Nos astronomes savent que la mécanique de l'univers peut se dérégler à tout instant. En attendant, ils se contentent de la pseudo-éternité des cycles. Nos prêtres ritualisent pour que chaque matin le soleil échappe à la 12e heure de la nuit.

Ce serait un sacrilège de ne pas replacer les outils rituels dans leurs étuis de cèdre, d'ivoire et d'or.


L'aventure commence le second jour de l'expédition quand on a quitté les rives fraîches du fleuve pour entrer dans la sécheresse et l'abstraction du désert. Nous ne pouvons rien contre les hurlements de Seth ou les tempêtes de sable.



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