Prêtre lecteur, je participe tous les jours et certaines nuits aux rituels qui s'échelonnent au fil des heures. C'est une façon de multiplier les expériences de confrontation avec l'Invisible. J'ai appris à ne pas penser pendant les offices car une seule pensée profane neutralise l'efficacité du rite. Entre deux rites je m'isole, je n'ai pas envie de parler avec mes collègues. Le silence me semble la seule réponse acceptable, les mots détruisent l'architecture subtile du temple. La mort ne s'incruste pas entre les pierres d'éternité.
Je me demande s'il est sage de s'acharner à vivre ailleurs que dans le voisinage du naos où se multiplient les énigmes, où se cachent les divinités clandestines. Je ne resterai pas encore longtemps un étranger si je persiste à marcher à pas feutrés, comme un chat. Je retiens mon souffle quand le roi brise un à un les verrous des portes qui défendent l'accès du sanctuaire. Suivi de ses Ancêtres, précédé par le parfum des résines, sa beauté écarte les ennemis du netjer. Quand il retournera dans son palais, il ne sera plus un humain ordinaire. Certains plans ne peuvent se confondre.
Quand il sort du naos, tous les présents s'écrient : Comme il est beau !
Je n'ai plus envie de sortir de l'espace sacré. Je ne suis pas prisonnier mais envoûté, sous le charme, en apesanteur. Je prête une grande attention à tout ce qui n'intéresse pas les autres. J'attends d'être adopté. Je ne crois pas aux miracles mais à la persistance de l'ombre à l'intérieur de la lumière. Je me souviens de la première fois où, par amour, j'ai revêtu la robe de lin.
Je n'ai jamais été aussi actif que depuis que je suis couché dans un sarcophage où sont gravés les textes du Livre de ce qu'il y a dans la Douat. La Douat où se pratiquent des rituels silencieux ne correspondant en rien à ce qu'on imagine.
Dans les moments d'ouverture, je vois des champs de blé bercés par la brise du Nord, si légère qu'elle ne dérange pas les passereaux.
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