J'étais arrivé au crépuscule dans le temple de Renenoutet, divinité serpente du Fayoum. C'était le terme d'un long voyage destiné à stimuler mon énergie spirituelle. Je me sentais coupable et en danger depuis que j'avais tué par mégarde un cobra à tête humaine.
Je ne me lassais pas de contempler la campagne autour du téménos où le désert et des bosquets de tamaris et de palmiers se mêlaient. Des paysans vendaient aux pèlerins des fruits, des œufs et du lait destinés aux offrandes.
Pour venir ici, j'avais abandonné tous mes travaux en cours. Je me demandais à présent si j'aurais le courage de les reprendre. Ce serait peut-être une bonne idée de m'installer afin d'écrire des lettres d'amour pour les campagnard illettrés et des glossologies pour la déesse. Je pourrais aussi mener une enquête sur cette serpente divine que je connaissais mal mais aussi sur ses rejetons, ses prêtresses et ses adorateurs. Une investigation enthousiaste serait aussi nécessaire en restant fidèle à l'esprit et à la lettre.
Je m'étais installé chez un prêtre-horaire qui n'avait pas l'air d'apprécier plus que ça la déesse qu'il servait La nuit, nous buvions le vin délicieux de l'oasis et il me faisait des confidences sur les desservants du temple, les habitants du village ou les pèlerins remarquables qu'il avait croisés.
Les pèlerins, disait-il, sont des gens pleins de ressources. Ils ont eu la courage et la ténacité de quitter leurs familles pour s'adapter aux aléas de la pérégrination. Pourtant, leurs motivations sont très diverses. Certains ont oublié leurs motivations premières, d'autres ont pris goût à l'errance, d'autres encore se demandent comment tout cela va finir.
En l'écoutant, je m'imaginais mourant d'épuisement au bord d'un canal ou au milieu d'inconnus ne s'embarrassant pas de questions inutiles. Un pas après l'autre, j'ai fini par comprendre que le chemin n'existe que par la marche.
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