L'étude en immersion de l'Egypte pharaonique a modifié ma conception du monde, mon regard sur les divinités, les personnes, les événements, les animaux ou encore l'envers du décor.
Si éloignée soit-elle dans le temps, familière et étrange, Kemet ne m'est jamais apparue comme une contrée lointaine, perdue dans les brumes de l'Histoire. D'ailleurs, en Egypte, il n'y a pas de brume mais une lumière blanche quand elle n'est pas coupante.
Je suis passé sans cesse de l'intensité verte de la Vallée à la gigantesque abstraction du désert. J'aime les nécropoles creusées dans les collines sèches et l'odeur de terre pulvérisée et de salpêtre des temples abandonnés que le désert est en train de dévorer.
Le complexe système de croyances des Egyptiens se réactive chaque fois qu'un texte rituel est lu à haute voix ou qu'on caresse la statue d'un dieu qui nous regarde droit dans les yeux. Ses muscles et ses veines affleurent sous le granit, le fluide vital circule librement, on entre soudain dans le régime des réalités parallèles.
Kemet est en phase avec mon passé et avec mon devenir. Je suis René, mon blason est un Scarabée noir qui rend lisibles les enseignements du Singe et de l'Ibis. En tournant dans la désolation de l'ancienne Khemenou, je refuse de céder à la nostalgie ou à la colère. Le temple est vivant quand je pose les yeux sur ses blocs éparpillés. Je ne me retourne pas car je sais, que derrière moi, il repasse en mode occultation.
Pour pénétrer dans le Double Royaume j'ai déployé toutes les stratégies envisageables. J'ai ramassé des pierres dans les carrières, j'ai visité les musées du monde, j'ai tourné des milliers de pages, j'ai marché dans la boue et le sable, dans les galeries de mines de turquoise.
J'ai rencontré des mages et des sorciers, des taciturnes et des bavards, des morts qui se croyaient en vie, des extracteurs de quintessences, des ignorants qui se prenaient pour des Phénix et de petits poissons qui remontaient le fleuve vers Abydos.
Abydos à fleur de peau, à la limite du supportable, la cité fantôme du rayon vert, de la corde d'argent, des teintures de l'Œuvre les plus difficiles à fixer.
Kemet sera toujours ailleurs, un peu plus loin, nous obligeant à nous remettre en route en prenant le temps de trier les ingrédients, les données disparates, les hypothèses. Je sais que je ne sais pas, je continue pour le seul plaisir de marcher dans le domaine des réitérations.
Commentaires