Il est difficile de parler de ce qui n'existe pas.
Je suis et je ne suis pas, tel est le sens du nom de Tem/Atoum, le démiurge héliopolitain.
Les Manichéens, héritiers de la Gnose, affirmaient que le démiurge était un dieu mauvais qui savait que le monde qu'il avait créé était condamné à disparaître. Le ver est dans le fruit. L'entropie est inhérente à la création. Il faut se méfier du monde visible car il contient les germes de la putréfaction semés par un dieu démiurge et assassin.
Le premier jour, le démiurge a pensé le monde en faisant la vaisselle. Le second jour, en jardinant, il a compris que le plus important serait ce qui n'existerait jamais. Le troisième jour, il a bricolé le principe d'obsolescence. Ensuite, il s'est mis à l'œuvre. Au départ, ce n'était pas un mauvais bougre mais il aurait mieux valu qu'il fît de longues siestes.
Seule la vie menace la vie. Nous n'avons pas assez de mots pour décrire la furie destructrice de l'univers. Dans la quiétude mélancolique de cette fin d'automne, j'essaie d'oublier que je vais bientôt disparaître à mon tour parce qu'un démiurge a oublié de programmer pour moi un peu d'immortalité.
L'immortalité est indicible. C'est pour nous une notion purement virtuelle qui a le mérite d'être parfois consolante, parfois effrayante.
L'histoire des religions nous a prouvé que même les dieux n'étaient pas immortels. Les mystiques se sont posé la question autrement en tournant en dérision des notions seulement accessibles à des machines à penser non-humaines.
Ce qui est essentiel ne s'inscrit pas dans le temps mais dans des hiérarchies déviantes.
Au printemps, la Nature commence timidement à refleurir. Les fleurs révèlent toutes les couleurs de l'Œuvre. Encore faut-il les mettre dans le bon ordre.
Le démiurge espérait trouver quelque chose qui n'existait pas déjà. Il aurait fallu pour cela qu'il commence par la fin et nage à contre-courant dans le Noun, à la façon de ces fleuves qui font semblant de se jeter dans la mer alors qu'ils remontent à la source. Il savait pourtant que la vie nous réserve bien des surprises.
Il ne disait pas je crée donc je suis mais je suis parce que je refuse de créer.
Nous verrons bien qui va gagner.
Kemet est un royaume double, le Nil est un fleuve double qui ne livre pas facilement les sources de son dynamisme.
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