Pour les Egyptiens, les images - reliefs, statues, hiéroglyphes - sont vivantes car elles bénéficient toutes du Rituel d'ouverture de la bouche.
Ils ne conçoivent pas un temple sans images.
Ils pensent en images.
Sans elles, le temple serait un livre blanc dépourvu d'efficience et même de sens.
L'iconographie fait partie intégrante de l'architecture sacrée.
Entre les deux s'établit un dialogue et tout un monde de correspondances subtiles qu'il est nécessaire de décoder sans cesse.
Les images ne sont pas seulement des archives pour la mémoire mais aussi des moyens de fixer visuellement la complexité d'un programme rituel donné.
Images et rites fonctionnent ensemble.
Un rite est rarement décrit dans son intégralité ou dans l'ordre réel de son déroulement.
Il s'agit plutôt de séquences qu'il faut replacer dans une logique interne afin de retrouver tous les épisodes du rite envisagé sur une paroi ou sur tous les murs de la salle d'un temple ou dans les différentes parties du monument.
A Edfou, le Rituel de Fondation du temple est fourni dans le désordre, certains épisodes sont omis, d'autres sont répétés deux fois.
Il faut parfois envisager l'étude des images de plusieurs temples pour retrouver l'intégralité de la mise en scène d'un rite.
Dendera et Edfou, deux temples de la même époque, multiplient cette méthode de recherches parallèles. Ainsi, on retrouve à Dendera la suite d'un rite dont l'amorce est faite à Edfou.
Ce dispersement des informations remplit un double rôle :
Un moyen magique de protéger la sacralité du rite : la dispersion des images déroute les entités néfastes qui obéissent à une logique ordinaire.
Il obéit aussi à une loi essentielle de la pensée hermétique de Djéhouty qui sollicite sans arrêt une intelligence adaptative.
Le programme iconographique d'un temple est un jeu de nature purement thotienne.
Tout est à reconstituer à chaque fois en fonction des paramètres qui, eux aussi, sont modulables et changeants.
Si les images sont vivantes, il est normal qu'elles ne soient pas figées et se déplacent au gré des impératifs rituels.
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