KEMET accueille volontiers ce qui n'entre pas dans le domaine de l'ordinaire. Ses mythologies sont un monde féerique teinté de fantastique. Les Kémitiens aiment ce moment où, arrivé sur la crête d'une dune, le sable glisse et se dérobe sous les pieds. N'oublions pas que le roi d'Egypte est un Mage qui sacralise tout ce qu'il touche, ce qui à la fois l'isole et le rend irréprochable. Les Mages, comme les abeilles, se nourrissent du nectar des fleurs et boivent l'eau de la rosée. Ils se déplacent en passant par les fractures du monde tenu pour réel par les Béotiens. Le réel familier est aussi une vue de l'esprit. Dans l'air du soir tournent des oiseaux à tête humaine, des serpents pourvus d'ailes et de pattes, des Sphinx initiateurs de coïncidences favorables.
Le singe de Thot répond aux questions qu'on ne lui pose pas. Le Double Royaume multiplie ses facettes, les bijoux portés par la reine sont à la fois des chefs-d'œuvre d'orfèvrerie et des talismans efficaces. Quand elle marche sur les chemins longeant le fleuve, elle devient une déesse ailée qui est là pour rassurer ses petits. On ne doit pas donner une explication aux paradoxes de Kemet, surtout s'ils dépassent les bornes du plus débridé des imaginaires. Personne ne sait vraiment qui est incrusté dans le naos des temples, qui loge dans cette inhabitable demeure où tournent les aurores boréales et les tempêtes de sable. Les Egyptiens ont exploré les univers invisibles se nourrissant de notre désir d'être ailleurs, plus loin, sans billet de retour.
Le Mage-roi et ses Shemsou ont l'art d'inverser les choses. En prenant l'histoire par la fin, ils la ramènent plus vite à l'origine. Ils pataugent le matin dans les eaux du Noun. Au crépuscule, ils lui rendent sa tranquillité. Ils boivent ses eaux tièdes et noires pour devenir ces créatures impossibles que l'on rencontre dans les syringes de la Vallée des Rois. Les auteurs de BD viennent y puiser l'inspiration mais ils sont vite dépassés par les lignes de fuite. Ce n'est pas que tout va trop vite mais les images tournent à l'envers au gré des magnétismes boréals, des vents solaires et des courants marins de l'Océan primordial.
Je ne suis pas contre le fait de mettre Kemet entre parenthèses, d'en faire une réserve naturelle où n'entreraient que les fervents sectateurs des anciens netjerou dont notre corps est le sanctuaire.
J'ai pris finalement l'autocar pot rejoindre Ta Meri par le chemin le plus accidenté. Pendant tout le trajet, j'ai rêvé que j'étais un Pountite remontant sans trêve vers le Nord.
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