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La problématique de la vulnérabilité

Le Premier Prophète de Min était en grande discussion avec Sa Majesté qui l'avait convoqué au palais pour débattre de problèmes essentiels comme celui de la vulnérabilité. Le royaume, le monarque, les officiers de l'armée, les paysans, les prêtres, les dieux étaient-ils vulnérables ?

Le roi, qui n'avait pas inventé la poudre, estimait que la vulnérabilité était une faiblesse, la porte ouverte à tous les problèmes sécuritaires. Il voulait rendre Kemet et la fonction royale invulnérables, inattaquables. Plus de sécurité, moins de vulnérabilité.

Le prêtre chauve lança : Majesté, c'est tout le contraire. Plus un être se sent en sécurité et plus il est vulnérable car toutes ses méfiances sont endormies. Il somnole dans un monde dont il croit naïvement qu'on a éliminé tous les dangers. Or le danger et par conséquent l'insécurité font partie du jeu.

Te viendrait-il à l'idée que tes ennemis, te pensant invulnérable, renoncent à t'attaquer ? S'ils ne le font pas, c'est qu'ils t'estiment potentiellement dangereux et donc imprévisible. Tu peux frapper là où ça fait mal, bondir comme le renard sur un lièvre qui n'avait pas envisagé un tel péril.

Ousir était persuadé de l'affection de son frère et, contrairement à son épouse Aset, n'envisageait pas une seconde qu'il pouvait se retourner contre lui. Tout gonflé d'un sentiment de sécurité, il se jeta dans la gueule du loup et fut assassiné.


Ne dis jamais à tes sujets : Dormez tranquilles, je veille sur vous. Tu les rendrais encore plus bêtes qu'ils ne sont. Laisse-les dans l'incertitude, ne prétends pas que la nuit les fantômes ne rôdent pas dans leurs chambres.

Tout bouffi de certitudes et d'illusions, le roi de Kemet devient un fauve endormi qui ne voit plus que les failles s'agrandissent parce que personne ne tremble plus.

Le soldat se croit à l'abri à l'intérieur des murs épais de la forteresse. Il n'entend pas l'ennemi qui sape les fondations. Bientôt, il sera égorgé alors qu'il se sentait hors d'atteinte.

Tel Ousir, certains de tes prédécesseurs ont été assassinés par un proche. Ils sont arrivés comme des loques dans la Douat, sans comprendre ce qui venait de leur arriver. Tuer un roi n'est pas plus difficile que d'estourbir un ichneumon.




Sa Majesté fut atterré par cette implacable démonstration. Il considérait avec stupeur le sacerdote de Min qui faisait négligemment tourner ses bracelets autour de ses poignets. Après un long moment de silence, il lui demanda avec une inquiétude dans la voix :

Alors que me conseilles-tu ?

Ne renforce pas la sécurité de ton palais ni celle de tes frontières, laisse les marins aller et venir sur le fleuve, entoure-toi de cryptographes, exerce une surveillance discrète, adopte un air à la fois confiant et préoccupé et n'oublie pas cet axiome royal :

Aujourd'hui Bastet, demain Sekhmet.

Ronronne comme la chatte et rugis comme la lionne.

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