Elle manipulait les outils rituels avec délicatesse. Elle restait calme même au paroxysme de la transe. Itet était prêtresse d'Hathor depuis des années, le service de la déesse avait fait d'elle un être d'exception, un de ces êtres qui rendent la vie supportable.
Elle ajustait sa voix à sa marche et le sistre aux battements de son cœur. Elle savait faire disparaître les images des miroirs.
Le temple respire dans la pénombre. Itet demande aux images divines de se rapprocher d'elle, de danser avec elle. Elle ne prie pas, n'exige rien de la déesse si ce n'est de laisser circuler le fluide vital qui s'est accumulé en elle pendant la nuit alors qu'elle était sur le toit du temple, exposée à la radiance de la Lune.
Dans le temple sont tapis des secrets fragiles, des hiéroglyphes en mutation, impossibles à fixer. Hathor et ses prêtresses parlent entre elles une langue ancienne que seule la danse permet de décrypter. La danse, la musique et les transmutations en cours dans les cryptes consacrées à Ptah, Bès, Min et aux dieux noirs dont on ne prononce jamais le nom.
Avant le rituel, Itet s'assurait que tout ne serait pas prévisible. Les officiantes faisaient le vide en elles et autour d'elles. Les oiseaux volaient sans bruit au niveau des plafonds et autour des colonnes. Le temple s'emplissait d'une énergie flottante qu'une incantation mal récitée pouvait faire tomber en poussière.
Elle disait à ses compagnes : Nous sommes dans un autre lieu, sur une ligne de démarcation. Nous attendons le surgissement de la sidération qu'exercent les déesses venues des confins de l'univers. Nous sommes des naufragées qui vont prendre pied sur une île.
Ritualiser nous rapproche d'un réel qui n'existe pas dans la vie ordinaire, dans les espaces qui ne sont pas touchés par l'imprévu.
Quand nous nous retrouverons de l'autre côté, nous nous reconnaitront si vous n'avez pas oublié les mots de passe.
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