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La dérive des continents

Il y a des choses incroyables dans ce royaume. Les nobles y cultivent l'art de la distanciation en écartant ce qui pourrait s'avérer nocif. Les scribes ne rédigent pas la fin des histoires, estimant qu'il est dangereux de lire une histoire jusqu'au bout comme de s'éveiller avant la fin d'un rêve. Je n'ai jamais trouvé de post-scriptum au bas d'un papyrus, tout juste un hiéroglyphe qui donnait peut-être une clef pour entrer dans le récit.


Dans la partie sud du royaume, des Mages avisés pratiquent des rites secrets venus du continent perdu où se déroulèrent les premiers épisodes de l'aventure spirituelle de Kemet. Ils portent des masques et des corselets de plumes, parlent la langue des cynocéphales et tiennent en réserve les vies inachevées.





Kemet, qui n'a rien de vulgaire, a tout gardé et tout abandonné : les fréquences subtiles, le chant des oiseaux disparus, le crissement des pattes des insectes et les reptiles à langue bifide. Les Mages connaissent aussi la langue des serpents que parlent entre eux les êtres surnaturels.

Un face à face trop rapide pourrait être néfaste. Au début, il faut apprendre la langue de l'étranger dont on cerne mal les intentions, la volonté de repousser ou de séduire. Kemet joue sur tous les registres de la séduction, opère des substitutions et, pendant que se consument les résines de Pount, sacralise les téménos au moyen de longues circumambulations.


L'Egypte ancienne a fait l'objet d'une vraie-fausse disparition. Entre Pount et Kemet, la lente dérive des continents a favorisé les expériences partagées. Les Kemitiens se gardèrent bien de changer le nom des dieux et des entités gouvernant les forces de la Nature. Ce genre de pratiques porte malheur et mène au désastre.


De retour à Waset, je mémorise et j'engrange, je ne classe pas encore et préserve les énigmes irrésolues. La nuit, les Loups divins reprennent le contrôle des espaces sacrés, les netjerou feignent de dormir dans leur naos, les Ancêtres caressent les hiéroglyphes sur les murs et les statues.





Les derniers Kemitiens de souche refusèrent que le temps leur soit compté. Ils travaillèrent pendant 9 ans dans le temple de Henen Nesout - la Maison du fils du roi- avant de se mettre dans un état cataleptique qui devait durer deux millénaires.

Ils ont conduit les chercheurs sur des pistes serpentant entre le réel et le surréel. Toute la documentation est aujourd'hui centralisée à Londres, dans la bibliothèque de Bob Collins. Il faut être membre d'une société secrète pour entrer dans ce lieu nommé la Résurgence et avoir adopté pour blason une chaîne tendue entre deux étoiles. Chaque année, le Grand Maître en charge est transpercé à coups de sagaie puis une harpée lui tranche la tête.

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