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La cartographie des légendes

Nous devons survivre dans le monde obscur et contraignant que nous avons créé. Il n'est pas l'œuvre d'un dieu mais le résultat d'une avalanche de pensées surgies de notre intelligence et de notre mental dans un complet désordre.

La plupart des humains se contentent de ce désordre, d'autres n'en ont pas conscience, les plus sensibles essayent de l'organiser.


Qui est en contact avec nous depuis le fond de l'univers ?

Qui accepte de résider dans un naos le temps d'un rituel ?

Qui ouvre les portes et scelle les lèvres des Mystes ?


Dans les légendes de Haute Egypte, on rencontre des créatures hybrides qui vivent sur les différents plans de conscience.

Roha-Roy n'avait pas tourné le dos aux légendes, il avait même entrepris de les cartographier. Aujourd'hui, les érudits se cassent les dents sur ses papyrus couverts de plans, d'itinéraires, d'entrelacs, de croquis inclassables, de textes intraduisibles.

Il avait traqué jusqu'à la moindre parcelle d'étrangeté sans en tirer de conclusion, sans fournir d'explications. Il avait procédé par petites touches pour ne pas bousculer l'univers fragile des légendes qui ne demandaient qu'à se faire oublier. Sa logique avait l'odeur du soufre. Il fréquentait peu ses semblables, préférait les basilics et les sphinx, les entités serties dans un mental silencieux, dans les cailloux calcinés de la montagne chauve.



Brandir un couteau n'est pas forcément un signe d'hostilité. La lame peut ouvrir une brèche, trancher les rameaux d'un buisson épineux, détourner l'attention d'un monstre en maraude. Roha-Roy gardait toujours à portée de la main un poignard à lame d'obsidienne qu'il avait trouvé dans la ceinture d'un sauroctone. Le poignard et le calame étaient ses armes contre les profondes blessures mettant en péril la trame des légendes.



Pour être bien accueilli par les créatures légendaires, il ne faut pas mettre en doute leur existence. Elles sont bien plus réelles que la plupart des choses que nous tenons pour tangibles. Roha-Roy les tenait par la main, dormait dans leurs tanières, passait des heures à écouter leur souffle.


Dans le monde des hommes, être trop près de quelqu'un nous met sous son emprise. Dans le monde des légendes, proximité et éloignement n'ont aucune incidence. Il faut juste être à la bonne place au moment juste.

Sur ses cartes, Roha-Roy indiquait les points où l'on doit rester en attente et ceux qui, sans être des carrefours, vous invitent à changer de direction. Cependant, l'information est fugace. A la moindre distraction, vous pouvez vous engager sur un sentier menant aux cimetière des légendes où l'espace vital se réduit de façon drastique.


Les légendes irriguent nos rêves d'envol et notre besoin de surnaturel. Elles sont incrustées dans nos cellules et notre besoin de créativité. Roha-Roy peaufinait ses cartes pour permettre aux protagonistes des légendes de franchir les limites de leur royaume.


J'ai rencontré Roha-Roy dans un village au sud-est de Louxor où il vivait depuis au moins deux millénaires. Les Esprits du Saïd l'avaient rendu immortel car il était le seul à savoir mettre à jour les données sur les cartes de leur territoire fluctuant. Sans lui, ils dériveraient lentement vers l'oubli.

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