L'image égyptienne décrit-elle une réalité objective ?
La réponse est non : elle part d'une réalité apparente qu'elle mène peu à peu vers une réalité spirituelle qui elle, justement, n'est pas objective mais élaborée selon des données complexes s'appuyant souvent sur un système de références inédites.
Regardez ce petit relief qui se trouve dans le temple d'Edfou.
Prenez quelques minutes pour l'examiner et écrire une ou plusieurs phrases qu'il vous inspire.
Pour celui qui connaît un peu le mythe osirien, l'image est facile à lire.
Nous sommes face à une créature horienne en train d'occire une créature séthienne incarnée par un saurien.
Ce type d'image pose d'autres questions.
Quelqu'un qui ignorerait tout de l'histoire osirienne peut-il entrer dans cette icône, peut-il la lire et la comprendre ?
Il faudrait faire l'expérience de la montrer à un enfant ne sachant rien de l'Egypte pharaonique.
En tout cas, l'image n'est pas innocente et ne peut que susciter des réactions, des commentaires, elle est impossible à lire à un niveau superficiel.
Il peut se manifester un sentiment d'inquiétude, de trouble, voire de peur face à un acte de violence.
Autre question : pourquoi est-elle troublante, même pour un fin connaisseur de l'iconographie égyptienne ?
Le trouble vient de la créature horienne qui est l'étonnant mélange d'un corps humain intimement mêlé à celui d'un faucon. Jambes, ventre et bras humains, tête, torse et dos de faucon dans un ensemble parfaitement équilibré.
Rien à voir avec l'image classique d'un netjer anthropomorphe portant un masque d'animal.
C'est un Mixte composé d'éléments hétérogènes qui, dans un autre contexte, pourrait se situer à la limite du monstrueux.
Une fusion est en train de s'opérer sous nos yeux. Un humain combattant se métamorphose en faucon horien, un humain se transforme en dieu.
Ce type d'image est très chamanique. Sous nos yeux un homme en transe devient un Esprit ailé.
Quel est le moteur de cette métamorphose qui donne à l'image sa dynamique ?
C'est bien sûr le combat nettement suggéré par le couteau disproportionné qui est planté dans la tête du crocodile.
Pour les artistes Egyptiens, le non respect des proportions normatives est un puissant indicateur de sens.
Ici, le couteau a la même taille que celui qui en use.
Il est impossible de ne pas le voir, de l'ignorer, de ne pas le prendre en compte dans la lecture de l'image.
L'image, avec une étonnante économie de moyens, expose la problématique des antagonismes essentiels.
Alors surgit une autre question : qui est ce combattant et qui est l'ennemi qu'il affronte ?
Un Mixte peut être composé d'éléments hétérogènes mais aussi homogènes. Il est composé d'un oiseau, d'un humain et d'un saurien.
Nous avons bien parlé de cette image comme celle d'un Mixte. Or, dans l'Art de Thot-Hermès, on dit que l'opérateur tue le Mixte et ensuite lui rend la vie.
L' image illustre parfaitement cette opération chymique.
Nous avons isolé les indicateurs du meurtre mais où est celui de la vie ?
Dans la croix Ankh que notre Mixte tient dans son autre main.
Il tue et il donne la vie ou, tout au moins, une forme de vie supérieure d'essence horienne. Vous ne serez pas étonnés d'apprendre que cette icône est purement shemsou et qu'elle dépasse le cadre du mythe osirien pour descendre en nous à des profondeurs insoupçonnées.
Nous sommes à la fois l'oiseau, l'homme et le saurien. Nous pouvons tous donner la vie et la mort.
Ce qui me trouble, dans cette image, c'est ce "couteau" généralement représenté oblique. Là il est tenu verticalement comme un piquet d'amarrage et ressemble beaucoup au piquet d'amarrage. Oupouaout
Extrêmement novice, je n'avais pas discerné le crocodile, ni eu l'atome d'une analyse.
Je me permets de faire part d'un ressenti spontané: j'ai vu la concentration créatrice du sculpteur, du fondeur, de l'alchimiste, d'un artisan... dans sa puissance, sa volonté d'aboutir, de faire surgir un "in-créé", quitte à utiliser par la "destruction".
C'est bien ici, que je reconnais la valeur des séminaires auxquels nous avons participer prendre toutes leurs valeurs avec René Lachaud. Particulièrement, celui consacré au déchiffrages des icônes présentes notamment dans les sites que nous avons parcourus.
Parcourir l'Egypte nécessite un regard perspicace du patient voyageur, chercheur de vérité, pour entrer en communication avec la pensée égyptienne, tant qu'elle puisse être possible pour le commun.
Merci ! Au plaisir de déambuler, encore un jour., en Kemet au gré des vents divins.