Dans les nécropoles se promènent des créatures insolites baignant dans une lumière particulière. Elles n'appartiennent ni au monde des morts ni à celui des vivants. Je ne chercherai pas à démontrer leur existence. Elles n'ont nul besoin de moi pour prouver qu'elles ne sont pas des réalités tangibles.
Tout arrive dans la vie, même une rencontre avec ce qui aurait dû rester caché, par exemple avec un porteur d'offrandes de la XVIIIe dynastie ou un nain attaché à la garde-robe du roi Pépi.
Des scribes se sont spécialisés dans la biographie des créatures en question. On les croise dans le Livre des deux chemins ou dans celui des Cavernes. On peut se laisser berner par les images les présentant comme des génies de la Douat ou des morts en transit. Elles sont plus faciles à identifier dans les syringes royales car elles ne s'apparentent à aucune représentation de la faune peuplant les territoires de L'Ailleurs.
Je ne veux pas vous raconter des choses qui font peur en devenant de minuscules mais tenaces inquiétudes liées à la fuite du temps ou au regret de n'avoir pas réussi à franchir certaines frontières.
On comprend mieux les choses qu'on n'a pas décortiquées à la manière d'un médecin légiste. On les laisse mûrir à l'intérieur d'un sarcophage et peu à peu elles se transforment en volutes et en spirales. Des galaxies tournent au fond des tombes même si le Ba du prince s'est envolé depuis des siècles.
Quand vous entrez dans une tombe égyptienne, adoptez un profil bas. Ce n'est pas un cabinet de curiosités mais le réceptacle de mystères enfouis mais bien vivants, à mi-chemin entre la poésie et la métaphysique.
Peu d'éléments importants subsistent dans la partie médiane. A la manière de l'Ouroboros, ce qui est au début se retrouve à la fin, dans un état de pureté proche de la perfection mise en scène lors d'un rituel.
La tombe n'est rien d'autre que le lieu d'un rite rendant effective l'immortalité individuelle.
Les rites ne racontent pas une histoire qui ne serait jamais arrivée, ne parlent pas de gens qui n'auraient pas existé.
Un rite est plus efficace dans un lieu qui ne l'enferme pas mais lui permet d'investir tous les niveaux envisageables. Ce lieu participe au pouvoir de bouleversement du rite. A un moment donné, le lieu et le rite entrent en interaction et se fécondent mutuellement.
Une île déserte couronnée d'un volcan et dont les rives sont battues par les eaux du Noun reste le lieu idéal pour pratiquer un rituel.
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