Je n'avais nul désir d'être ailleurs que dans la maison de la serpente Renenoutet à Médinet Madi, sur la bordure orientale du Fayoum et nommée DJA à l'époque pharaonique.
Nous étions arrivés au crépuscule et le site, où tout au moins ce qu'on pouvait en voir alors, était enseveli dans le silence et l'or.
Des lions de pierre, agents de la granulation alchimique, sortaient la tête du sable. Ici, à l'occasion, on ramenait un mort à la vie après une longue incubation du corps dans un athanor de briques. Isis, sous le nom de Thermouthis, prenait soin des serpenteaux, des louveteaux, des néophytes qui tremblaient avant d'affronter les épreuves osiriennes.
Le mot de passe était : Je suis un grain de blé qui ne retient que les dernières lueurs du jour, s'accroche le plus longtemps possible aux écailles des reptiles.
Comme les pèlerins de l'Antiquité, nous nous sommes couchés dans le sable encore tiède après la 6e heure de la nuit. Je rêvai que j'établissais ma dernière demeure sous une dune qui avait avalé le sanctuaire édifié par les rois du Moyen Empire. Dans le sable, les images ne subissent pas les attaques de l'entropie. Sable noir de l'immortalité inscrite sur le blason d'un temps en pleine régression.
Isis nous enseigne à ne pas nous en prendre à nous-même, surtout quand nous sommes les jouets de la fatalité. Elle prend ici la forme d'une vieille femme à moitié chauve préparant un épais brouet de céréales qu'elle offre aux voyageurs affamés. Elle propose de chercher des références sous les pierres. Chacune d'elles contient son propre mystère, sa signature héraldique, sa charge d'émotion, quelques debens d'or mussif.
Je suis mort à Médinet Madi. J'ai posé mon sac contre un mur, je me suis laissé glisser dans la moiteur d'une conscience qui s'estompe. Renenoutet rampait près de ma tête, Aset avait posé sa main sur ma poitrine, les palmiers enregistraient les épisodes inconnus de la saga. J'étais le dieu-enfant Népri tenant sa mère par la main. Avec mon compagnon, nous avions décidé de ne plus quitter le temple.
Je me réveillai au milieu de la nuit. Un vaisseau brillant et fuselé planait à quelques mètres au-dessus du site. Je voyais leurs têtes rondes qui nous observaient à travers les hublots. Ils se gardaient bien de descendre car ils avaient entendu dire que nous étions des cannibales mal disposés à l'égard d'entités venues d'un autre univers.
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