Je ne vais pas demander pardon pour une faute que je n'ai pas commise, pour un sacrilège qui agressa un dieu rêveur.
Il me montra une vieille carte, dressée par un explorateur vénitien au XVIIe siècle, attestant de connaissances assez précises sur l'ancien royaume des pharaons. Certains noms de lieux étaient écrits en arabe dialectal, d'autres en persan ou en méroïtique. On reconnaissait ici et là des signes proches des hiéroglyphes.
En comparant avec les cartes les plus récentes, je constatai qu'aucune ville, pas un seul monument ou relief remarquables ne correspondaient aux indications écrites.
Etait-ce l'erreur d'un cartographe peu scrupuleux ou s'agissait-il du relevé d'une Egypte invisible, mythique, oubliée ?
Si nous devons traverser un territoire inconnu, nous nous persuadons que nous avons besoin d'une carte qui donne du sens à notre pérégrination et nous préserve des embûches, des errances. Or, certaines cartes nous fournissent des indications que nous n'avons pas besoin de connaître comme ces passages étroits gardés par des Serpent ailés qui n'appartiennent pas à notre univers.
Un bon bâton de marche est plus utile qu'une carte. Un roi voyage avec un sceptre.
Quelle idée les anciens Egyptiens se faisaient-ils du monde qui nous entoure et du temps requis pour aller d'un point à l'autre ? Ils se déplaçaient d'une manière rituelle, ne voyageaient pas en profanes, les yeux rivés au sol et l'air hagard de béotiens tournant en rond.
Où est le centre vivant de Kemet, le point d'où l'on part et où on revient au terme d'un long périple ?
Je suis passé vingt fois à cet endroit, je ne m'en souviens plus ou je fais comme si c'était une grande première. Les lieux changent, je dirai même qu'ils se déplacent comme tout ce qui est encore vivant.
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