Pour simplifier, on peut dire qu'il existe deux grands types d'écriture, l'une qui use d'idéogrammes, l'autre de signes alphabétiques, comme la plupart des langues aujourd'hui.
Le chinois est la dernière grande langue basée sur des idéogrammes.
Il reste que cette langue est parlée et écrite par un milliard et demi de locuteurs.
Dans le monde, une poignée de spécialistes peut encore entrer dans la langue hiéroglyphique.
Les écritures alphabétiques sont gérées par le cerveau gauche, siège des pensées logiques, spéculatives, analytiques.
Le chirurgien vasculaire Leonard Shlain précise que les modes de pensée liés au cerveau gauche entraînent un déclin du statut des images, des droits de la femme et du culte des divinités féminines.
On pourrait aussi parler d'un déclin de la pensée symbolique, d'où notre difficulté à lire et comprendre les symboles égyptiens. Pour les Kémitiens, les symboles ne sont pas des concepts mais de véritables outils rituels permettant d'envisager autrement le monde, de concevoir une autre réalité qui existe indépendamment de ce que nous pouvons dire ou penser.
Schwaller de Lubicz note : Chaque hiéroglyphe peut avoir un sens conventionnel bien arrêté mais il inclut toutes les idées qui peuvent y être attachées, la possibilité d'une interprétation personnelle.
Le cerveau gauche est plus solaire, masculin et patriarcal.
Le cerveau droit, plus lunaire et de nature féminine, matriarcal.
On pense aux très anciennes religions des Déesses Mères qui ont précédé l'apparition des courants religieux privilégiant les divinités masculines. C'est de ce courant que sont sortis les monothéismes où s'imposent les divinités masculines et barbues.
Le lobe droit du cerveau est celui où se concentrent les fonctions de l'art, de la symbolique, de la poésie, de l'espace, de l'inconscient, de l'intuition et de la globalité. Il favorise aussi l'apprentissage des langues étrangères et les activités basées sur un rythme comme la danse, le chant ou le sport.
Le droit reçoit des informations mystérieuses dont la provenance est inconnue.
Le gauche est celui du temps et de la synthèse, de la pensée informatique qui mène à de plus en plus de virtualité et de mathématiques.
Le cerveau gauche code les souvenirs sous une forme linguistique, le droit à l'aide des images. On sait que l'Egypte fut une civilisation des images. Une image vaut dix mille mots, dit le Trismégiste. L'image permet une communication visuelle immédiate qui dépasse les limites d'une civilisation donnée et de ses critères d'interprétation.
Bernard Weber, dans son Encyclopédie du Savoir relatif et absolu, précise que le cerveau gauche fonctionne en numérique, le droit en analogique.
Les choses ne sont pourtant pas aussi simples. On estime aujourd'hui que les deux lobes maîtrisent analyse et globalité mais certainement selon des modalités différentes.
A propos de la délicate notion de temps, les langues alphabétiques le conçoivent comme linéaire, les langues à idéogrammes comme cyclique ou ouroborique.
Toutefois, la langue égyptienne envisage ces deux formes d'appréhension du temps en privilégiant cependant l'aspect cyclique. Ce temps est celui du scarabée Khépri en perpétuelles métamorphoses. Les cosmogonies égyptiennes comme celle d'Héliopolis considèrent que rien n'est définitif. Le monde n'est pas créé une fois pour toutes, il est recréé chaque jour. Chaque nuit il retourne dans le Chaos du Noun, une période d'indifférenciation.
Se pose toujours la problématique d'une bonne compréhension entre les deux.
Schwaller de Lubicz : La langue hiéroglyphique est conçue pour le cerveau droit. Les Occidentaux l'interprètent avec le gauche.
On entre dans la délicate question de la traduction qui consiste à retrouver l'authenticité de la langue originale en se débarrassant de toute interprétation définitive. Aucune traduction n'est définitive, il faut sans cesse tout remettre en question et affiner l'approche. Ceci suppose une connaissance toujours plus affinée d'une pensée et d'une civilisation aussi subtile que celle de l'Egypte qui reste souvent à des années-lumière de la nôtre. Il ne faut pas négliger la relation intuitive de l'Egypte avec le divin et l'ordre du monde.
N'oublions pas que les Egyptiens situaient la pensée et la mémoire dans le Cœur JB et non dans le cerveau.
Maât est une remise en question permanente en conformité avec l'instant présent.
Une bonne traduction reviendrait-elle à savoir prendre des risques, à mettre notre langue au service des hiéroglyphes et non l'inverse ?
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