Tremblant de fièvre, Akhnaton se réfugie dans le sanctuaire privé de son palais que peu de ses sujets connaissent. Il est sans doute victime de l'épidémie de peste asiatique qui sévit en Egypte depuis quelques mois.
Son seul compagnon est Thotmès, l'artiste prodigieux qui sculpta le buste de Néfertiti, aujourd'hui en exil à Berlin.
Il ne sait pas où est la reine. Vit-elle dans le palais du Nord ou est-elle partie pour Waset, Memphis ou plus probablement Henen- Nesout, la cité choisie pour ses accouchements ? Il rejette l'idée de sa mort.
Il ignore également où sont les princesses. Sa famille lui a été arrachée. Il sait seulement que Toutankhiten, le prince héritier, est retenu prisonnier dans ses appartements par Horemheb, un général dur et ambitieux, chef de ses armées.
Thotmès l'aide à s'installer sur une banquette, lui fait boire un peu d'eau. Il est brûlant. Il délire, il lui semble entendre la voix au timbre si particulier d'Amemhotep Fils de Hapou qui lui contait les fastes des Pountites et des Henememets, confrontés comme lui à l'exercice ingrat du pouvoir. C'est aussi lui qui lui fit découvrir l'existence d'Itn-Aton, une des plus anciennes divinités solaires de Iounou qui exerça sur lui une fascination immédiate. Tout alla bien tant que le Fils de Hapou resta en vie. Après sa mort, il comprit que le conflit, la haine, la jalousie, les luttes pour le pouvoir faisaient partie intégrante du monde.
Ce matin, le Maître des Shemsou Hor, guerriers d'élite assurant sa protection, le convoqua dans ses quartiers au sud de la cité. Il lui annonça qu'il quittait Akhet-Iten avec ses hommes, ne voulant plus défendre un impie qui avait exposé sur la place publique les secrets attachés aux Ecoles de Mystères. Pour les Shemsou, c'était un crime impardonnable.
Le roi ne voyait pas bien sûr les choses de cette manière mais ne tenta rien pour retenir ses défenseurs. Il savait pourtant que le départ des Shemsou signait son arrêt de mort et qu'il serait désormais cerné par les ténèbres.
Tous les travaux étaient arrêtés, la population entière quittait la ville. Ceux qui s'étaient déclarés les plus fidèles partirent les premiers.
Le roi ne croit pas en la Douat ni aux divinités secourables de la famille osirienne. A présent il n'est plus très sûr que mourir revient à se fondre dans la lumière de l'Itn. Une croyance trop vague, trop abstraite qui ne vient certainement pas du Fils de Hapou.
Si proche de la fin, Akhnaton se demande s'il a bien compris les enseignements et les révélations de son vieux maître. Quelque part, il a commis des erreurs, est allé trop vite et, avec les meilleures intentions du monde, s'est engagé sur une mauvaise voie en imposant des réformes qui ne concernent pas les hommes de son époque.
Au fond, il n'aurait pas voulu être le maître du monde mais un anachorète plongé dans de profondes méditations.
Le roi n'a plus la force de penser. Il voit flotter dans l'ait les visages de ses familiers. Le Fils de Hapou le tient par la main tandis qu'ils descendent un long couloir menant à une crypte remplie d'eau.
Il parvint à se lever mais, immédiatement tombe sur le sol.
Thotmès le relève, le prend dans ses bras. Le Ba du roi s'est envolé vers ses Ancêtres.
Un grand Merci René pour ce "Post" au format de tragédie Grecque. Tu nous présentes Akhenaton confronté au Doute...est-ce l'effet de la maladie, de l'abandon, si ce n'est de la trahison de ses proches, de l'approche de la Mort inéluctable pour tous? A t il bien compris le Fils de Hapou, et singulièrement ici sur ce qu'il advient à la mort? C'est évidemment crucial... On sent bien que tu penses que non. Mais le Fils de Hapou ne s'est il pas lui même trompé en adoubant le jeune mystique? Les Shemsou prononcent la sentence (un peu tardive) qu'il ne conteste pas. Au final, pour adoucir ce drame amarnien, dans ta vision, Thotmès est resté, fidèle, le Fils de Hapou l'accompagne…