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Etre dans l'image et se mettre sur la tête

Nous allons entrer dans le monde singulier des images égyptiennes.

La langue hiéroglyphique n'est-elle pas un univers d'images, un système où les images s'imposent aux yeux avant de titiller le cerveau !

Pour les Fils de Thot, l'image prime toujours sur le concept et doit être aussi satisfaisante pour l'œil que pour l'esprit.

Nous n'allons pas essayer de le démontrer mais de le montrer.


Vous avez sous les yeux le hiéroglyphe bien connu de la CHOUETTE.

En premier lieu, c'est la lettre M de l'alphabet hiéroglyphique.

Ce signe entre dans la composition d'une pléiade de mots comme jmy que l'on peut traduire par être dedans, à l'intérieur mais aussi devant, sur et habiter.

Face à une image égyptienne, je suis donc devant, dedans, invité à l'intérieur et il me reste à l'habiter à moins que ce ne soit elle qui finisse par m'habiter.

Avant de poursuivre, arrêtons-nous un moment sur cet oiseau nocturne que les Egyptiens considéraient comme la fascinante maîtresse des rêves, compagne de Bès et des images oniriques qui hantent nos nuits.

La chouette, comme Bès, appartient au registre des créatures qui se montrent de face et connaissent les formules secrètes.

Formules que nous entendons peut-être dans nos rêves.

Pour autant, la frontalité, rare dans les images égyptiennes, véhicule aussi un sentiment d'inquiétude, de stupéfaction, d'étrangeté.

Les formules secrètes et nos rêves nous troublent, nous inquiètent souvent.


La chouette, qui vit dans l'obscurité, a une vision plus affinée, plus perspicace que notre vision diurne. La nuit, nous sommes infirmes, presque des non-voyants et nous avons du mal à percer le mystère des ténèbres externes et internes, à moins que nous n'alignions notre regard sur celui de la chouette.

Son regard fixe peut aussi nous laisser pénétrer le pouvoir hypnotique des images égyptiennes, ce type d'icônes qui vivent et voyagent dans les tombes, les cryptes, les corpus mystagogiques, au sein d'une autre réalité nécessitant un point de vue plus futé, plus affuté.


Un mythe grec raconte l'histoire de Leucipée, une femme qui refusait de participer aux Mystères de Dionysos. Le dieu la changea en chouette afin qu'elle puisse désormais avoir accès à la connaissance cachée dans le rituel des Bacchantes qui ne dansaient que la nuit.

LE MOT IMAGE : le mot le plus usité pour image est ahm , composé de trois signes et d'un déterminatif.

Le premier, un A long, est un bras tendu qui véhicule l'idée de donner ou de recevoir.

Le second est peut-être un ventre de mammifère ou le pis d'une vache. C'est un H chuinté se prononçant CH. L'image nourrit l'œil et l'esprit.

Vous avez reconnu le troisième, la chouette M.

Quant au déterminatif du mot, c'est un faucon horien sur le pavois divin qui souligne que pour les Egyptiens toute image est divine, sacrée.

Les MEDOU NETJER ne sont-ils pas les divins signes !


SE METTRE SUR LA TÊTE : le singulier hiéroglyphe de l'homme à l'envers, les pieds au ciel et la tête sur la terre.

Le mot qui se prononce shd est composé de quatre signes :

Le premier S est la bandelette de lin repliée d'un tissu rituel.

Le second, un H se prononçant comme la jota espagnol est un tamis, instrument servant à opérer un tri.

Le troisième est un D, figuré par une main.

Enfin, le hiéroglyphe de l'homme à l'envers qui nous pose question.


La compréhension d'une image ou d'un signe nécessite un retournement de manière à pouvoir envisager les choses autrement, de façon non ordinaire.

La lecture d'une image égyptienne, souvent destinée à nous surprendre, à nous interroger, exige de mettre notre intelligence et nos sens en suspension, d'adopter un mode de perception différent, de ne jamais se contenter des apparences ou d'une approche superficielle.

Image, imaginer, imagination, des mots en miroir...

La démarche initiatique est aussi un retournement complet de la conscience, une façon inédite d'envisager la vie et l'aventure spirituelle.


Ce hiéroglyphe nous renvoie à la lame XII du Tarot que l'on nomme le Pendu. Ce n'est pas un supplicié mais un acrobate, un myste qui, lui aussi, marche sur la tête, libéré de la pesanteur, en équilibre dans l'espace, doté de la capacité de changer de regard parce qu'il ne se contente pas de la vision commune.


Cette position, ni naturelle ni confortable, reste pourtant le seul moyen de forcer les images à nous délivrer un message dépassant les limites du visible.

N'oubliez pas : face à une image égyptienne, commencez par vous mettre la tête en bas et les pieds au ciel sinon son secret vous passera par-dessus la tête.




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