Réflexion sur Kemet et sur moi.
La réalité de l'Egypte ancienne est-elle en phase avec celle de mon imaginaire ?
Par ailleurs, quoi de plus subjectif que la réalité ?
Il n'y a pas que l'imaginaire qui soit en jeu mais aussi le vaste réseau des réminiscences. Certaines remontent très loin, d'autres sont arrivées il y a quelques instants.
Kemet est un paysage, une odeur, un visage, un hiéroglyphe, l'ombre d'un monument, des oiseaux migrateurs au-dessus du lac sacré de Karnak, un retour, la jubilation au moment où je prends pied sur Kemet et sur mon royaume intérieur.
Je me pose sans arrêt des questions sur la possibilité d'entrer en contact avec des hommes, des femmes, des enfants disparus depuis des millénaires. Eux et moi évoluons tour à tour dans un temps linéaire et dans un temps en spirales. Les éventualités de se croiser sont infimes mais elles existent. Les explorateurs ont parfois la science des alignements. Les aventuriers n'attendent pas de résultats immédiats. Les guerriers horiens s'emploient non à contourner les hasards mais à les défier.
La dévotion n'a pas à être lisible. Trop évidente, elle écarte ceux qui ne goûtent que la neutralité. Un myste peut-il sans danger frayer avec un profane ? De quel côté viendra la contamination ? Je revendique le titre de myste, un candidat à la mystériosophie ou forme prise par la pensée de Kemet. Je ne pense pas l'Egypte, elle me pense. Nous sommes dans cette subversion qui donne des sueurs froides à midi, en plein cœur du désert de Nubie.
Kemet est le fond, je suis la forme actualisée d'une histoire parsemée de pyramides et de sphinx, sur un lit de sable et de limon. La difficulté viendrait-elle de rassembler les matériaux indispensables à une anastylose ? Trop rares ou trop nombreux, ils multiplient les risques d'erreur, ne peuvent pas donner le change, sont inaptes à déconstruire les engourdissements.
Je ne comprends vraiment que ce qui est écrit en hiéroglyphes, dans l'esprit d'une langue qui, en progressant dans le labyrinthe des signes, retarde la confrontation avec l'essentiel mais ne l'élude pas. Kemet dispose de tout le temps envisageable pour retarder les échéances. Je laisse cette lenteur contaminer mon psychisme. La marginalité est la forme extrême du combat. Je survis parce ce que l'empreinte de Kemet soutient ma fragilité. A tout instant, on risque l'effondrement. Je peux être la paroi d'une falaise qui s'écroule brusquement dans le silence et l'indifférence du désert intérieur.
J'ai commencé à comprendre quand l'Egypte est redevenue Kemet. Ce n'était pas une simple substitution de mots mais l'irruption d'une forme plus affinée de la conscience. Je suis un Kémitien. Je ne revendique pas l'appartenance à une race mais à une communauté d'esprit, à une famille spirituelle, à un autre rythme, une autre façon de regarder le coucher du soleil.
Dans la mesure où les coïncidences s'obstinent à s'enchaîner, les points de contact s'ancrent plus avant dans le JB, le cœur-mémoire. Je ne me souviens pas, je déclenche un état d'alerte maximum.
On ne doute pas d'une civilisation qui pensait que le chaos serait repoussé tant que seraient célébrés les rites.
Les transformations prennent ici la forme de la continuité.
Kemet est au centre des terres émergées de notre planète.
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