Dans la Per Ankh, Nouou dirigeait un groupe d'étudiants concernés par la face occulte de la science sacrée. Il était tout à la fois très présent et ailleurs. Il ne refusait pas le contact mais maintenait la distance avec ses interlocuteurs. Entre eux et lui flottait une lumière diffuse agissant comme un filtre. Il dispensait son enseignement à la manière de ceux qui ont souvent approché de très près les énigmes essentielles et ont réussi à remonter à la surface.
Sans fournir d'indications, il abordait un thème et il fallait s'accrocher aux mots, aux idées, aux suggestions, aux insinuations et aux silences qui ponctuaient le discours.
Vous verrez, les aspérités sont nombreuses, on les sent sous les doigts quand on sollicite la pierre brute. Le seul moment où vous êtes vraiment dans le temple est celui où, après y être resté pendant des heures ou des années, vous vous décidez enfin à en sortir. Vous abandonnez un espace rassurant pour pénétrer dans le chaos du monde, dans la vraie vie.
Le faucon horien plane dans les hauteurs du ciel. Il ne lutte pas contre les courants. Il se laisse porter , il glisse, il danse, il attend que les choses s'inversent au moment où l'Horizon bascule. Votre corps, votre esprit, vos neuf constituants doivent affronter le monde à chaque instant. Les zones de tranquillité sont cernées par le désordre mais il existe des moyens sensibles pour le maintenir à distance quand il devient trop menaçant. Entre le monde et nous, c'est une histoire d'attraction et de répulsion. Nous sommes entre Hor et Seth, entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être.
Nous ne sommes sûrs de rien, nous ne maîtrisons pas très bien nos pouvoirs, nous ne faisons pas assez confiance à nos frémissements.
Dans le jardin, pas de place pour les ruines, tout y est vivant et tout y meurt à chaque instant.
Et si l'intelligence consistait à rire de tout, non pas pour se moquer mais pour maintenir Seth à une distance raisonnable. Vous devez savoir que ce netjer n'a aucun humour. Seth est la manifestation la plus évidente de l'actualité. Si nous la laissons nous investir, nous oublions que nous ne sommes pas obligés de souffrir.
Là-dessus, Nouou éclatait de rire puis nous demandait de rester en silence, d'oublier tout ce qu'il venait de dire et qui n'avait aucune importance. Il nous conseillait de ne courir ni après Hor ni après Seth mais plutôt de nous réfugier entre les ailes des déesses, l'espace amoureux où se dénouent les liens, les angoisses, le mal de vivre.
Entre les ailes, rien d'autre qu'un désir de pureté.
Je ne me suis jamais habitué à son absence.
Il y a maintenant bien longtemps que Nouou s'est effacé.
Quand les pilleurs de tombes ouvrirent son sarcophage, il était vide.
Au-dessus de ce vide , Nout étendait ses ailes.
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