A force de me plonger dans l'Egypte ancienne, j'ai fini par croire que j'étais devenu un enfant de Kemet. La patrie spirituelle de Djéhouty m'a vampirisé jusqu'à la moelle. Je rêve de dormir dans un sarcophage constellé de hiéroglyphes, avec pour compagnons des ibis, des loups, des crocodiles, des vautours et des cobras.
Mes modèles sont des prêtres égyptiens qui savaient comment capter les influences secrètes de la terre et du ciel afin d'animer les momies des hommes et les statues des dieux. Comme ils avaient recours aux sciences intermédiaires, ils excellaient à outrepasser les limites. Ils avaient fait de la mort un simple rite de passage et de la vie une promenade de santé.
Je patrouille sur les sites du Double Royaume pour décoder les indices de leur présence, les empreintes de leurs pieds incrustées dans les dalles, les traces de leurs cogitations. Ils sont toujours là mais en léger décalage dans la trame d'une tradition privilégiant les complications mystiques et la critique minutieuse des arguments en faveur de la persistance des sociétés secrètes.
Tous ceux qui fouillent à des degrés divers les sites archéologiques ne sortent pas indemnes de cette confrontation avec une réalité en demi-teinte qui n'est que rarement en phase avec notre époque.
Le mode de pensée des Kémitiens se lit dans l'agencement des blocs de granit ou d'albâtre, dans le Couloir Mystérieux des temples, dans l'art avec lequel les sanctuaires sont orientés sur des étoiles depuis longtemps invisibles.
L'étude de l'Egypte insolente requiert une pleine connaissance, un enracinement dans la pensée des ibis, des cynocéphales, des oiseaux et des serpents, de la lumière si particulière de l'Aton qui fascina un roi adepte de la douceur des Ombres.
Il faut parfois s'accrocher pour ne pas perdre le contact et se laisser happer par la mélancolie et les regrets face la vision des obélisques brisés, des sphinx décapités, des tombes dont le décor apotropaïque a été saccagé par les impies.
Les Egyptiens sont des sacerdotes extraordinaires qui ne sont pas là pour parler des dieux, enseigner une religion, imposer des dogmes. Ils s'apparentent plutôt aux prospecteurs qui cherchent dans les déserts des filons d'or, de turquoise, de jaspe, des plantes médicinales ou de rares espèces de scarabées.
Quelqu'un a-t-il vraiment expliqué ce qui s'est passé en Egypte ? Il faudrait pour cela non pas un historien mais un mage inspiré par les entités extra-terrestres de Kemet ou sous l'emprise de substances enthéogènes. Remonter la piste pour qu'elle continue à traverser l'Horizon Akhet.
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