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Dans la tombe hantée du Vizir

Une créature non identifiée prit possession de la splendide tombe où le Vizir défunt venait juste d'être installé. Un paysan qui désherbait son champ l'avait aperçue grimpant quatre à quatre le versant de la colline où étaient creusées les tombes des nobles éminents de la capitale. Une vision trop fugitive qui ne lui permit pas de fournir une description fiable de la bête. Le mot bête lui-même est sujet à caution. Hybride, monstre incongru, impossible à faire entrer dans une catégorie seraient des termes plus proches de la vérité.


Que faisait cette chose dans la tombe ? Comment avait-elle réussi à pénétrer dans cet espace pourtant si bien luté ? Il n'est pas sûr que les morts aient l'habitude de cheminer avec des monstres.



Sa Majesté voulait que son ministre connaisse une éternité sereine. Il fallait se débarrasser de la créature mais, pour les Egyptiens, ouvrir une tombe est considéré comme un sacrilège que l'on paye cher en débarquant dans la Douat.

On débusqua un Mage de la région qui savait passer à travers les murs. Il traversa sans faillir la paroi rocheuse mais trois décades plus tard, il n'était toujours pas revenu. Les gardes assurèrent qu'ils avaient entendu comme des gloussements, des bruits de succion, des sons que l'on n'entend pas dans le monde des vivants.


On requit l'assistance du commandant des Shemsou-Hor qui savait combattre les ennemis retors, invisibles, d'une méchanceté à toute épreuve. Comme il avait mieux à faire, il se défaussa en rappelant que le Vizir avait lui-même été Shemsou et qu'il connaissait donc toutes les ficelles de la traque et de la capture des êtres imprévisibles.


On fit venir devant la tombe un groupe de musiciens de la Cour. Pendant des jours, ils jouèrent des mélodies sublimes capables de faire fondre le cœur de pierre d'un monstre récalcitrant qui, au demeurant, devait être sourd comme une vipère céraste car il ne quitta pas son repaire.


Un vieux prêtre d'Amon portant le titre d'Initié aux secrets qui sont dans le ciel et sur la terre, proposa son aide. Il conseilla de ne pas effrayer ou violenter la créature mais de la séduire en lui consacrant des offrandes succulentes. Pour cela, il fallait connaître son nom, ce qui s'avéra être mission impossible : la chose demeura muette. Les incantations qu'il prononça d'une voix forte et virile n'atteignirent jamais la chambre funéraire où la bête s'était installée en compagnie du Vizir bandeletté et couvert d'amulettes.


Le roi piqua une colère monumentale. Il fallait en finir avec cette histoire en faisant appel aux puissants dieux de Kemet pour trouver une solution. Le Premier Prophète de Karnak tança Sa Majesté et lui rappela qu'on ne dérangeait pas les dieux pour de telles futilités. Après tout, le Vizir pouvait se débrouiller seul avec sa bête et ne plus importuner les vivants. Par ailleurs, rien ne laissait penser que le monstre lui voulait du mal.


La Reine, qui avait éprouvé une grande affection pour le Vizir défunt, trouva enfin une solution. Il suffisait de recruter une bande de pilleurs de tombes et de les mettre discrètement sur le coup. Ces brigands n'ont peur ni des fantômes ni des créatures de l'inter-monde ni des malédictions pour la bonne raison qu'elles pouvaient nuire à leur commerce. Ils vidèrent consciencieusement les appartements funéraires.

Lors du procès, ils affirmèrent qu'ils n'avaient trouvé ni la momie du ministre ni quoi que ce soit qui pouvait ressembler à un être fantastique.





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