En entrant dans le temple, j'eus l'impression de pénétrer dans un espace sans limites. Un compagnon, un guide, un ouvreur des chemins auraient été les bienvenus mais j'étais livré à moi-même, en proie à l'inquiétude, l'incertitude, aux errances fatales. On ne dort pas dans un espace sacré sous peine d'enrayer la succession des cycles. On ne court pas, on ne parle pas, on évite de penser aux choses du dehors, on se contente d'être présent, on élimine les pulsions passagères.
Je ne savais rien des châtiments auxquels s'exposent les intrus. J'attendais à tout moment qu'une brèche s'ouvre dans le sol. Des serpents verts avaient été enterrés dans les dépôts de fondation. Ils n'étaient pas morts. Un jour, ils trouveraient la sortie. Alors le temple s'effondrerait.
Je n'avais pas un sentiment de claustration. J'étais dans un monde ouvert aux 4 Vents où personne n'inquiète les félins en embuscade sur leur territoire de chasse.
La lumière semblait venir de nulle part. Elle était de nature minérale. Elle me transperçait et m'imprégnait de l'odeur des montagnes du désert. Lumière fragile dans l'espace indocile des savoirs disparus. Il n'était pas question d'interrompre le voyage.
Rongés par le salpêtre, les textes sur les murs étaient devenus illisibles. Je ne connaissais ni le nom du temple ni celui du dieu auquel il était consacré. J'avais aussi oublié mon Ren secret, ce qui me rendait vulnérable, dans l'incapacité de trouver une solution de repli. Le temple était vivant. Il s'était nourri au fil des siècles du désir insensé de ceux qui espéraient en ouvrir toutes les portes en ignorant que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Dans la partie médiane du monument, le sol n'avait pas perdu son revêtement de basalte. Les images intrigantes des dieux de Kemet se réfléchissaient sur ce miroir sombre possédant les qualités du limon du fleuve.
Je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'attendait. Si je ne suis pas revenu en temps requis, prévenez ma mère que ses prières ont été inutiles.
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