* Un oignon, un morceau de pain et l'odeur du fleuve qui coule pourtant beaucoup plus loin. A-t-on besoin d'apprivoiser la solitude des monuments que mangent le désert, le temps et l'arrogance des hommes et des archéologues fouineurs nommés putois par les Fils du Trismégiste ?
* J'étais trop jeune quand je suis entré au service d'un médecin du Fayoum. Ce fut une expérience drastique. Parfois, on ne voyait pas l'autre rive du lac et on se demandait si un monde existait encore au-delà de cet horizon.
* Quand il taillait les images des hommes de son époque, il ne cherchait pas la ressemblance. Il soulignait les rides laissées par les regrets, les remords, la perte des illusions, le refus d'affronter les Génies pernicieux qui nous poussent hors de nos retranchements.
* Pour un aveugle, la lumière, les couleurs, les irisations n'existent pas. Il se nourrit des souvenirs de ses vies antérieures à condition qu'il croie à l'existence de ces dernières. Dans le cas contraire, il ne peut compter que sur le secours des dieux aniconiques imaginés par ceux qui rejettent la pertinence des signes.
* Plus il s'enfonçait dans la galerie de mine, plus il perdait sa belle assurance. Ce n'était pas l'obscurité qui le tourmentait mais les borborygmes du ventre de la montagne. Il était sur le point d'être digéré. Encore quelques millénaires et il serait minéralisé.
* Le Shemsou avance en terrain miné pour pouvoir continuer à se mouvoir librement. Il est déjà passé de l'autre côté de la peur. L'odeur du sang est proche de celle du minerai de fer. Il est bouleversé quand il plante son glaive dans le ventre d'un ennemi qui lui ressemble comme un frère.
* Le Monstre attendait l'heure de la relève. Sa vigilance commençait à sérieusement faiblir. C'était le moment le plus périlleux de l'aventure. Un Héros bien entraîné le sait, il peut saisir sa chance et s'infiltrer sur ce terrain où patrouillent des créatures incertaines et vulnérables.
* Quand la cité d'Akhet-Aton sera détruite se manifestera une pénurie de lumière. Les fidèles du roi s'installeront en périphérie de la ville pour observer la lente dégradation des espérances qui s'effondrent. Sur les stèles frontières, le roi consacre toujours des offrandes de pain et de fleurs au profit d'un dieu qui ne sait pas encore qu'il existe. Akhnaton n'est pas en avance sur son temps, il est en décalage. Nous l'aimons.
* Chaque voyage est un nouveau défi. Je pars pour un royaume trop volatil pour être fixé, circonscrit, attaché à un arbre ou à un poteau d'exécution. Kemet ne nous impose rien, on est lentement pris de vertige. Impossible d'échapper à son attraction si puissante, si séduisante, si discrète, si autrement.
* Il n'avait pas encore appris à profiter de ses éblouissements. Il ne savait ni les retenir ni les abandonner. Les choses soudain s'accélérèrent quand il fut couché dans son sarcophage en bois précieux où dominaient les teintes rouges. 35 siècles plus tard, dans un chalet alpin, il se laissa happer par la beauté d'un feu de bois dans une cheminée ouverte. Les avalanches allaient se multiplier.
* C'était un merveilleux compagnon de voyage, un loup perché sur une crête, en équilibre avec son devenir, saturnien si nécessaire, toujours d'attaque car il avait suivi un entraînement chez les guerriers du Faucon horien. Avec lui, j'avais encore une chance de rester en vie, de collectionner tous les possibles. Il s'éloigna quand il estima que j'avais trouvé mes marques et éliminé mes, contingences.
* Pourquoi peindre dans les tombes des morts des images sublimes qui enchanteraient plutôt des vivants ? Sont-elles sublimes parce que personne ne les voit, ne surveille leur lente migration vers la Constellation d'Orion ? Il fait sombre à l'intérieur de l'athanor où les étoiles s'abîment dans un compost odoriférant. Les images ne s'impriment pas sur la rétine si nous gardons les yeux fermés.
* Le potier de l'oasis tournait sa terre sans se soucier des soubresauts du monde. Il ne connaissait pas le nom du roi, aimait voir ses petits patauger dans la boue et sa femme vérifier que rien de fâcheux ne s'approchait de la maison. Il se rendit chez un collègue dont on vantait les prouesses techniques et artistiques. Il le reçut sur le seuil de son atelier, lui versa de la bière dans un gobelet beau à tomber par terre. Après quoi, il rentra chez lui, ferma son atelier et partit vers le Sud avec des caravaniers.
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